Le Bocage - Journal du jardin


Carnet d'observations, d'expérimentations et de réflexions

dans le cours du jardinage d'un boisé en Haute-Amérique


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13 décembre 2006

Votre terrain est-il, à votre insu, un milieu humide protégé par la loi ?

Les mots « milieu humide » évoquent spontanément des paysages dominés par la présence d'eau. C'est d'ailleurs ce qu'illustre les photos ci-dessous provenant du site du Ministère du développement durable, de l'environnement et des parcs du Québec (MDEPQ).

Or, un terrain d'apparence bien ordinaire, un boisé, un terrain vague peuvent très bien constituer un « marécage », et donc un milieu humide protégé par la loi. Pas même besoin qu'ils soient inondés quelques jours par année. Ni même qu'ils soient à proximité d'un plan ou d'un cours d'eau. Une humidité constante ou une nappe phréatique affleurant juste au dessous de la surface peut suffire amplement.

Autant d'un point de vue écologique que légal, il n'existe actuellement aucune définition précise et objective de ce qu'est un milieu humide. Le Grand dictionnaire terminologique désigne par ce terme une « zone de transition entre les écosystèmes franchement aquatiques et les écosystèmes purement terrestres ». Malheureusement, ce qui distingue et délimite un écosystème par rapport aux autres demeure passablement flou. Au MDEPQ, on affirme d'ailleurs travailler à préciser ces définitions.

Actuellement, le principal critère est d'ordre floristique. Si le terrain ou portion de terrain supporte plus de plantes incluses dans une liste établie par le MDEPQ de quelque 700 espèces indigènes au Québec que de tout autres types de plantes, il s'agit vraisemblablement d'un milieu humide. Il faut appeler ou écrire au MDEPQ pour obtenir cette liste puisqu'elle n'est pas disponible sur le Web. Selon le pays ou la zone écologique, le contenu d'une telle liste diffèrera bien sûr.

La liste québécoise comprend de nombreuses espèces qu'on n'associe pas spontanément à un marécage : érable rouge, asters, hart rouge, fougères (dryopteris, matteucia, osmonda), frênes, iris, impatiens, physocarpe, potentilles, chêne bicolore, ronces, saules, sureau blanc, thuja et violettes. Voilà qui peut causer des surprises à des jardiniers qui auraient des préférences pour les plantes de la liste. En effet, il n'est pas nécessaire que la prédominance de plantes soit naturelle pour qu'un terrain soit déclaré être un milieu humide protégé. C'est ainsi que des propriétaires qui avaient aménagé un étang ont découvert qu'ils ne pouvaient plus modifier leur jardin, du moins sans une permission expresse des autorités (impliquant constitution d'un dossier, arpentage, etc.).

La question demeure bien sûr à savoir : qu'est-ce qu'une prédominance de plantes inscrite sur cette liste ? Au ministère, on ne peut préciser s'il s'agit d'une prépondérance en nombre d'espèces, en nombre de sujets ou en importance relative des biomasses (un seul arbre comportant une masse beaucoup plus importante que n'importe quelle talle de fougères, par exemple). On ne précise pas non plus les unités de surface considérées (parle-t-on d'un milieu humide à partir d'un seul mètre carré ou à partir d'un hectare). Pour le moment, le seul test définitif de vérité semble être la capacité de votre biologiste de convaincre le juge, mieux que le biologiste engagé pour soutenir la thèse adverse.

À mon avis, il serait nécessaire de demander à un panel d'experts de préciser un ensemble de critères beaucoup plus prévisibles. D'autant plus que, légalement au Québec, l'identification de la présence d'un milieu humide à protéger repose sur les épaules des propriétaires. Cependant, n'importe quel citoyen, organisation écologique ou municipalité conserve la possibilité de prendre l'initiative de faire déclarer un terrain comme comprenant un milieu humide à protéger.

De mes conversations et échanges de courriels avec les professionnels du service municipal de l'Environnement et du MDEPQ, je retiens que :

1- Le ministère tient à jour une carte des cours d'eau et milieux humides qu'il est possible de consulter.

2- À des fins d'urbanisme, une municipalité utilise généralement, non pas la toute dernière version de cette carte, mais une version antérieure en vigueur au moment de la confection du règlement de zonage. La carte retenue fait intégralement partie du règlement jusqu'à la prochaine révision.

3- Indépendamment de la carte la plus récente du ministère et du règlement de zonage, tout propriétaire a l'obligation de protéger les milieux humides de son terrain, et donc d'identifier la présence de ces milieux.

4- S'il y a sur le terrain un milieu humide autre qu'un cours d'eau, le propriétaire doit demander une autorisation au bureau régional du MDEPQ pour effectuer tout travail dans cette zone ou autour, mais susceptible d'affecter celle-ci.

5- Les autorités peuvent exiger la restauration complète du secteur où des travaux ont été effectués sans permis ou autorisation (y compris démolition des constructions et renaturalisation).

6- Dans tous les cas, il vaut mieux d'abord vérifier avec le service de l'urbanisme ou de l'environnement de sa municipalité. Celle-ci vous réfèrera au ministère le cas échéant.

7- Dans tous les cas, ne pas se fier totalement aux réponses que vous obtiendrez de la municipalité, et contrevérifier auprès d'un service concurrent (ex.: celui de l'urbanisme vs celui de l'environnement), du bureau régional du ministère, d'une association de propriétaires ou d'un groupe environnemental. En effet, la règlementation étant encore très récente (et non encore complétée), on constate (et j'ai constaté) qu'il y a encore beaucoup de flou et de contradictions dans l'interprétation de la règlementation ainsi qu'au sujet des responsabilités et pouvoirs respectifs des différents acteurs impliqués.

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